mardi 25 novembre 2008

Les indicateurs de mesure d'audience du web 2.0

Laurent Nicolas du cercle des experts marketing

Le web 2.0 change notre façon d'utiliser Internet. On échange de l'information, on vient plus régulièrement, on reste plus longtemps sur certaines pages, on bénéficie d'une meilleure ergonomie. Plein d'avantages pour nous, utilisateurs. Mais quelques arrachages de cheveux pour les professionnels. Heureusement, la technologie vient apporter les solutions aux problèmes qu'elle soulève (pour une fois !).

› Les visiteurs uniques

Visiteurs

En soi, le web 2.0 ne change pas la définition de ce qu'est un visiteur unique.

Le graal du visiteur unique désigne toujours la possibilité de reconnaître un même individu. Il y a deux informations, dans la notion de visiteur unique :

  • c'est un être vivant (par opposition à un programme informatique)
  • s'il se manifeste sous différents aspects, il reste unique.

Un de mes philosophes préférés, Clément Rosset, a écrit dans "Le Réel, traité de l'idiotie" : "idiotès, idiot, signifie simple particulier, unique". Selon lui, tout ce qui est réel est par définition unique, idiot. On appellera donc l'inaccessible visiteur ontologiquement unique, un "visiteur idiot". :-)
Fin de la parenthèse philosophique...

Si le visiteur idiot est hors de portée de la technologie, on peut se contenter du visiteur unique. Et la définition que l'on en donne, pour reprendre les deux points ci-dessus, pourrait être :

  • détecter que la page est vue par un être humain
  • et reconnaître cette même personne d'une page à l'autre

Rien de tout cela n'a changé avec l'arrivée du web 2.0. Mais ce qui a changé, c'est la capacité technique qui nous est offerte pour améliorer l'implémentation de ces définitions.

Les robots qui aspirent les pages tentent de se faire passer pour des humains. Les systèmes de mesure d'audience se doivent donc de faire leur possible pour éliminer automatiquement les pages servies à des robots.
L'utilisation de scripts avancés, permettent de détecter à coup sûr la présence d'un être humain derrière l'écran.

Bien-sûr, les robots vont tenter de s'améliorer, et contourner un jour le système tel qu'il est déployé aujourd'hui. Mais il va leur falloir des ressources de plus en plus importantes, et nous pourrons facilement placer la barre un peu plus haut.
Dans cette course à la technologie, le but n'est pas de trouver une improbable méthode infaillible, mais de rendre le piratage plus coûteux que ce qu'il pourrait rapporter.

Voilà donc pour éviter de compter trop de visiteurs non humains.

L'autre dimension, celle de "reconnaître" un visiteur, met généralement en oeuvre des cookies (un petit fichier enregistré sur votre disque par votre navigateur). Cette fois encore, on risque de compter trop de visiteurs, en comptant plusieurs fois un même individu si son cookie n'est pas récupéré. Ce qui arrive :

  • s'il utilise plusieurs ordinateurs
  • s'il utilise plusieurs navigateurs
  • s'il efface ses cookies
  • si un logiciel de nettoyage les efface pour lui.

Dans ces cas, on compte trop de monde. Inversement, si plusieurs personnes partagent le même ordinateur, il peut y avoir un cookie pour plusieurs idiots, pardon, individus uniques.

› Le temps passé

Temps internaute

Le temps passé est devenu la ressource rare sur Internet. Tout le monde cherche à gagner la plus grande part du gâteau : le temps de l'internaute. Ce temps, il le gagne sur d'autres média (la télévision notamment). Mais la guerre entre les sites fait rage pour accaparer au maximum l'attention des internautes.

Ce qui change avec le web 2.0, c'est que le temps devient tellement central, qu'on ne peut plus se contenter de l'ancienne façon de le mesurer. Il y avait jusqu'à présent deux méthodes : les panels et les outils installés dans les sites.

Dans les panels (c'était notre ancien métier), on installait un logiciel sur l'ordinateur d'internautes volontaires. Qui dit logiciel, dit possibilités illimitées. On a donc pu affiner la mesure du temps en prenant en compte :

  • la page (on parlait encore de page) est-elle visible ?
  • le panéliste est-il en train d'utiliser son ordinateur ?

Ceci nous a permis de donner une définition plutôt simple et complète du temps passé sur une page : période pendant laquelle la page est visible ET l'utilisateur de l'ordinateur est actif.

A cette époque reculée (je vous parle d'il y a un siècle, en 2005), les outils installés sur les sites calculaient le temps d'une manière plus frustre. Le temps d'affichage d'une page s'obtenait en mesurant la différence d'heure d'affichage de la page et celle de la page suivante.

Que l'internaute soit immédiatement reparti en arrière (sur un autre site), qu'il se soit absenté quelques minutes assouvir un besoin pressant, ou qu'il ait basculé sur Excel pour faire ses comptes, rien de tout cela n'était pris en compte. Il y avait bien des méthodes a posteriori pour limiter le temps d'affichage d'une page (moins de 30 minutes, ou en fonction de la moyenne et de l'écart-type de l'affichage de cette même page par les autres internautes). Mais ça n'allait jamais très loin. Cette mesure était toujours surestimée, et pire encore, on n'était même pas capables de savoir de combien elle était surestimée.

Or, avec le web 2.0, sont apparus les outils du web 2.0. Et l'évolution technologique est venue nous permettre de porter la même définition, celle des panels, dans notre outil sur site.

Donc : "le temps passé sur un contenu est la période pendant laquelle le contenu est visible ET l'utilisateur de l'ordinateur est actif".

A partir du moment où on a une définition fiable de la notion de temps, et que les outils permettent de la mesurer exactement le temps réellement passé, le temps peut devenir l'indicateur central du web 2.0.

Pourquoi ne l'était-il pas jusqu'à présent ? Parce que les publicités s'achetaient à la page vue, que les outils sur sites savent mesurer, alors qu'ils surestiment toujours le temps passé.

Le temps aura réellement gagné, le jour où la publicité s'achètera au temps passé.

› La fréquence

Les sessions, qui sont souvent à la base de ce concept n'ont plus de réelle signification dans le web 2.0.

Ces sessions restent une définition technique. Et le web 2.0, c'est aussi la prise de pouvoir du web par les non techniciens. Parlez-vous de session internet ? Non !

Que lit-on au contraire, comme dans un article sur l'audience de Facebook ? "37 millions d'utilisateurs, dont la moitié y va tous les jours, et qui y passent 20 minutes". En web 1.0, on aurait dit par exemple "37 de visiteurs uniques, 22 sessions par mois et 17 pages par session".

Autrement dit, l'audience du web 2.0 utilise le vocabulaire de tout le monde. Alors pourquoi se compliquer ? Tout le monde sait ce qu'est un jour, même si, je le rappelle, on peut en raffiner la définition (heure locale ? heure du site ? un jour qui commence à 5 heures du matin ?). Dans tous les cas, un jour dure 24 heures, pas besoin de connaître la méthodologie de l'institut de mesure d'audience pour le savoir !

Que donne alors la définition d'une visite avec le jour ? Une visite correspond à un visiteur-jour.

S'il y a en moyenne 100 visiteurs uniques par jour, on obtient sur 30 jours, 3000 visites.
Ensuite, on peut dire, que la fréquence des visites est de 20 jours par mois par exemple. Ca, ça parle à tout le monde, non ?
Tout ceci reste de la prospective, mais je veux bien prendre les paris ici : ces définitions vont s'imposer.

C'est ça aussi le web 2.0 : sim-pli-fi-ca-tion !

Le web 2.0 apporte les technologies qui rendent possibles des analyses plus fines du comportement des utilisateurs. L'intérêt de ces analyses n'est pas technique, il est plus sociologique.
En se rapprochant des concepts de l'utilisateur (le temps, la journée...), on rend les statistiques de l'internet plus compréhensibles par un public non technique. Mieux maîtrisées, elles pourront avoir de nouvelles applications, et donc de nouveaux business models. Car les statistiques sont au coeur du marketing : comprendre son sujet d'étude pour mieux agir avec lui (et non SUR lui, attention !).

Par Laurent Nicolas

jeudi 20 novembre 2008

Objectifs et enjeux de la mesure d'audience

La mesure et l'analyse d'audience sont des démarches indispensables dans la gestion d'un site web. Ne pas l'utiliser peut être assimilé à gérer un magasin sans connaître son chiffre d'affaires, sa fréquentation ou le comportement de ses clients.

Objectifs internes de la mesure d'audience

La création d'un site est un investissement commercial et l'entreprise doit à ce titre être capable d'en mesurer la rentabilité. L'audience est un des indicateurs qui permettent d'apprécier cette rentabilité. Si le site pratique la vente en ligne, l'audience ne sera qu'un indicateur complémentaire du volume de vente généré.

Si le site n'a qu'un objectif de diffusion de marque et de présentation des produits, l'audience est alors le principal indicateur de rentabilité de l'investissement, mais il doit être complété par des études qualitatives ponctuelles permettant de mesurer l'impact des visites sur l'image et la connaissance de la marque et des produits. Pour valider l'existence d'un réel retour sur investissement, le responsable marketing peut comparer une partie de son investissement de présence Internet avec le budget publicitaire nécessaire pour obtenir les mêmes effets qualitatifs sur sa marque avec des investissements médias traditionnels.

Dans le cas d'un site d'informations, l'audience est liée à une opportunité, variable selon le titre, de générer des revenus publicitaires et a des effets qualitatifs relationnels. Par exemple, les auditeurs visitant le site d'une radio peuvent générer quelques revenus publicitaires mais ils peuvent surtout se sentir plus proches de la station et être fidélisés.

D'autres indicateurs peuvent être utilisés en complément de l'audience générale du site pour une analyse plus fine :
• nombre de formulaires/e-mails de demandes d'informations ou devis ;
• nombre d'adresses de distributeurs recherchées ;
• nombre de pages produit ou service consultées...

Lorsque les indicateurs sont déterminés, se pose encore le problème de la valorisation. Les demandes d'informations ou de devis peuvent être éventuellement valorisées par comparaison avec les coûts d'obtention par un autre canal (marketing direct, VRP...), mais la comparaison n'est pas forcément aussi simple.

On peut, par exemple, estimer qu'une demande de devis sur site est en moyenne moins porteuse de motivation (et donc moins précieuse) qu'une demande faite par courrier réponse. Le but n'est donc pas ici de forcément trouver un canal qui vienne remplacer les autres mais un canal complémentaire qui donne de nouveaux contacts avec un coût moins élevé.

La valorisation du temps passé ou du nombre de pages vues sur un site ayant seulement pour ambition de mettre en avant une marque est encore plus délicate. Des indicateurs peuvent permettre d'étudier les économies réalisées grâce au site :

• nombre de patches téléchargés ;
• nombre de drivers téléchargés ;
• nombre de consultation des pages d'aides techniques ;
• nombre d'opérations de tracking logistique effectuées sur le site.

L'estimation des économies réalisées peut être faite de manière relativement précise, car les entreprises sont généralement capables d'estimer le coût d'un appel sur une hot line ou les frais d'envoi de documentation.

Attention cependant à ne pas surestimer les gains. Il peut être judicieux de s'intéresser à la baisse éventuelle des appels sur une hot line plutôt qu'au nombre de recours aux services en ligne. En effet, dans le cas des services de tracking des sociétés de messagerie, 100000 usages en ligne du service ne correspondent pas à 100 000 appels en moins sur les plates-formes d'appel car la simplicité du service en ligne en encourage l'utilisation.

Les renseignements donnés par l'analyse d'audience permettent également une gestion dynamique et une optimisation du contenu du site. Ces indicateurs de gestion sont très précieux, car ils peuvent parfois mettre en évidence des lacunes ruinant les efforts de promotion consentis. À ce sujet, les indicateurs les plus utiles sont ceux liés aux comportements des internautes, tels que les itinéraires de visites, les heures de consultation et les pages d'entrée et de sortie.

L'analyse du nombre de visites entre deux pages appartenant à un itinéraire clé sur un site est aussi une donnée très précieuse. Il est d'une importance fondamentale pour un site marchand de comparer le nombre de visiteurs mettant un produit dans un caddie virtuel et le nombre de commandes final.

Objectifs externes de la mesure d'audience


L'objectif externe est essentiellement de fournir des données d'audience à destination des partenaires potentiels de l'entreprise : annonceurs, régies, agences, financiers... Les données d'audience sont évidemment un élément central pour attirer les annonceurs et autres acteurs des campagnes publicitaires en ligne lorsque le site est un support potentiel. Cependant, deux faits sont spécifiques à Internet :

1. Les données d'audience fournies par le site ne sont souvent qu'un moyen d'attirer l'attention des annonceurs ou les régies. Ce sont les données issues des statistiques du serveur publicitaire appartenant à la régie ou au site qui feront foi.

2. Contrairement au support TV, l'audience n'influence pas directement le tarif du support puisque les effets de volumes sont gommés par la tarification CPM (coût pour 1 000 pages vues avec publicité).

La mesure d'audience peut également servir de base à la négociation lorsqu'un site établit un partenariat avec d'autres sites pour la mise en place de liens réciproques ou d'autres formes de partenariat. Dans cette optique, il importe que l'outil de mesure s'accompagne d'une procédure de certification dans laquelle un tiers indépendant (certificateur) attestera de la réalité des chiffres fournis. Comme ce type de partenariat utilise le plus souvent des visuels, la solution la plus simple est souvent d'utiliser les données de reporting d'un serveur publicitaire pour valider les chiffres du partenariat.

En conclusion

Dans le cadre particulier du processus de valorisation des sociétés Internet, les données d'audience publiées furent à une époque très importantes. Outre le nombre d'abonnés ou de clients, le nombre de pages vues et le temps passé sur un site étaient des éléments clés de l'appréciation de la valeur. Les acteurs financiers scrutaient les chiffres d'audiences fournis par le site ou les panels. Dorénavant, et avec la crise du marché publicitaire, les données d'audience sont passées au second plan dans les processus de valorisation derrière les données de chiffre d'affaire généré.

D'une façon générale, la mesure d'audience sur Internet obéit de plus en plus à des objectifs de gestion interne dans le domaine commercial et marketing. Les outils évoluent dans ce sens en s'orientant vers la convivialité de consultation pour les responsables marketing et en incluant dans les interfaces de reporting pour les sites marchands des indicateurs relatifs au nombre et au montant des commandes.


Par Bertrand Bathelot